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29 juin 2023

L'Upcycling et le Prix LVMH

Cette année, c’est le tailoring impeccable qui a été célébré avec les créations de Setchu, la marque japonaise fondée par Satoshi Kuwata, lauréate du Prix LVMH 2023. Quelques un.e.s des directeurs.trices artistiques les plus important.e.s chez LVMH étaient présents et présentes dans le jury : Jonathan Anderson, Maria Grazia Chiuri, Nicolas Ghesquière, Marc Jacobs, Kim Jones, Stella McCartney, Nigo et Silvia Venturini Fendi, mais aussi Delphine Arnault, Jean-Paul Claverie et Sidney Toledano.

Quant au prix Karl Lagerfeld, le jury a exceptionnellement désigné cette année deux lauréat.e.s. Le premier, Luca Magliano, 36 ans, est un designer italien et fondateur de la marque de prêt-à-porter masculin et unisexe Magliano. La deuxième lauréate est Julie Pelipas, 38 ans, créatrice ukrainienne et fondatrice de la marque de prêt-à-porter féminin upcycling Bettter. Tous les deux recevront un prix de 150 000 euros, ainsi qu'un an de mentorat au sein du groupe LVMH.

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Ce n'est pas la première fois que le géant français récompense les marques qui réutilisent des ressources provenant de stocks dormants. En effet, l'intérêt d'LVMH pour l'upcycling s'est traduit par le développement même de Nona Source, la plateforme proposant la vente de matières provenant des stocks de maisons de luxe. Dans cet article, nous évoquerons deux autres cas emblématiques que nous apprécions particulièrement, en plus de Bettter : nous parlerons de la marque suédoise Rave Review, ainsi que de la marque suisse plus connue Germanier.

En effet, l'intérêt d'LVMH pour l'upcycling s'est traduit par le développement même de Nona Source, la plateforme proposant la vente de matières provenant des stocks de maisons de luxe.

Créé en 2019, Bettter est un label d’innovation qui place l’upcycling au coeur de la création. Sa créatrice, Julie Pelipas, est une personnalité de la mode très établie, notamment en Ukraine d’où elle est originaire: c’est en partie à elle que l’on doit la création des éditions ukrainiennes de Vogue ou encore Harper’s Bazaar. Son label est donc révolutionnaire à bien des égards, à commencer par son point de départ: avec Bettter, Julie Pelipas a eu à coeur non pas de créer sa marque mais bien de résoudre le problème d’inaction de l’industrie de la mode face à l’urgence climatique. Ainsi, aucun vêtement n’est créé à partir de zéro, chaque pièce est fabriquée à partir de vêtements déjà existants. Dans une interview accordée à Numéro, la créatrice décrit: “tout est upcyclé, et chaque pièce possède un passeport qui retrace son processus de fabrication, notamment où et comment elle a été sourcée, produite et vendue. C’est important de garder à l’esprit que cette démarche est loin d’être classique”. En plus d’être une marque, Bettter se définit comme un véritable écosystème notamment destiné aux entreprises. C’est un organe Business to Business (B2B), qui permet aux marques de luxes de réutiliser leurs stocks dormants afin d’arriver à des co-branding circulaires.

Tout est upcyclé, et chaque pièce possède un passeport qui retrace son processus de fabrication, notamment où et comment elle a été sourcée, produite et vendue. C’est important de garder à l’esprit que cette démarche est loin d’être classique” - Julie Pelipas

Malgré l’accueil positif fait par LVMH au jeune label ukrainien, Julie Pelipas indique que la viabilité du projet a fait l’objet de nombreux doutes à ses débuts. Pour elle, c’est dû au fait que Bettter n’a pas vocation à imaginer sa longévité sur le court terme: la priorité est donnée au fait de créer des choses différentes, et non pas à faire du profit rapide. Selon Pelipas, “c’est un projet qui nécessite d’investir beaucoup de soi-même, de son temps, de son cerveau et de son énergie”.

En 2023, Julie Pelipas a reçu l’un des deux prix Karl Lagerfeld pour son label Bettter. Elle recevra une dotation de 150.000 euros, ainsi qu’une année complète de mentorat par des équipes dédiées de chez LVMH.

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Ce n’est pas la première fois que le Prix LVMH pour les Jeunes Créateurs de Mode met à l’honneur des créateurs usant de techniques circulaires. En 2020, c’est le label suédois Rave Review qui arrive en demi-finale, avec une collection upcyclée fabriquée à partir de draps. A l’origine de la marque, on retrouve Josephine Bergqvist et Livia Schück, dont l’amitié est née sur les bancs du Beckmans College of Design à Stockholm. De manière assez similaire à Bettter, leur initiative naît d’un désir d’apporter un changement tangible à l’industrie, et d’une excitation commune d’avoir trouvé une manière de créer en respectant leurs convictions: ainsi, elles se démarquent en utilisant uniquement des matériaux de seconde-main, comme les vêtements ou le linge de maison. En cherchant leurs matières premières textile, Bergqvist et Schück brisent les codes de la garde-robe scandinave classique en inventant des pièces colorées, inspirées des années 90, qui honorent résolument leur engagement durable. Ainsi, sur le segment du remake, Rave Review a réussi un pari difficile: créer des collections haut de gamme à partir de textiles existants. Dans leur interview pour Metal Magazine, les deux créatrices déclarent “la plupart des gens savent que le travail durable représente l'avenir (…) Aujourd'hui, en partie grâce à nous, il a été prouvé que la mode peut être à la fois durable et haut de gamme. Cependant, elle ne peut pas être bon marché. Mais cela ne ferait pas de mal aux gens d'apprendre qu'ils n'ont pas besoin d'acheter de nouveaux vêtements chaque semaine”. La marque a été jusqu’aux Fashion Weeks de Stockholm et Paris, où elle a reçu un très bon accueil.

La mode peut être à la fois durable et haut de gamme. Cependant, elle ne peut pas être bon marché” - Rave Review

Rave Review est arrivé en demi-finale du LVMH Prize en 2020.

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Enfin, on peut également citer la marque Germanier, dont la direction artistique est gérée par le designer suisse Kevin Germanier. Arrivée en demi-finale du LVMH Prize en 2019, la marque est connue pour son esthétique glamour et excentrique, ses collections fantasques, et surtout son utilisation de perles et sequins destinées à être jetées. A Vanity Fair, il confie avec malice que “leur quantité est si nombreuse sur un vêtement, que leurs défauts ne se remarquent pas”. Après avoir terminé ses études à la célèbre Central Saint Martins à Londres, il passe par la grande maison Louis Vuitton, avant de lancer sa marque éponyme en 2018. Quand il décrit son intérêt pour la mode durable, le créateur se remémore sa jeunesse: “lorsque j’étais étudiant, je n’avais pas beaucoup d’argent. Je créais des vêtements à partir de vieux draps et de perles destinées à la déchetterie pour réduire les coûts. C’est de cette façon que je me suis rendu compte du potentiel de la mode durable”. En quelques années, Kevin Germanier a su s’imposer comme un véritable maître de l’upcycling, si bien qu’il a attiré l’oeil des plus grands designers d’LVMH. Par ailleurs, ses créations ont été mondialement reconnues: le créateur a reçu le Redress Award en 2015 (plus de précisions dans notre article sur l'upcycling en Asie), il a été nommé dans les 30 Under 30 par Forbes en 2019, et a intégré la Fashion Week de Paris en 2022. De quoi faire rentrer l’upcycling et la mode responsable dans la conversation.

Lorsque j’étais étudiant, je n’avais pas beaucoup d’argent. Je créais des vêtements à partir de vieux draps et de perles destinées à la déchetterie pour réduire les coûts. C’est de cette façon que je me suis rendu compte du potentiel de la mode durable” - Kevin Germanier

Germanier est arrivé en demi finale du LVMH Prize en 2019.

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Ces dernières années, LVMH a déployé de nombreux efforts en faveur du développement durable, notamment avec son programme LIFE360, qui détaille des solutions viables pour un avenir plus durable. Même si nous ne verrons les résultats de ce programme que progressivement, le Prix LVMH des Jeunes Créateurs de Mode reste une bonne plateforme pour mettre en lumière les créateurs qui façonnent l'avenir de la mode. Il semble que l'upcycling ait un grand rôle à jouer dans cet avenir, et nous sommes impatient.e.s de voir comment LVMH soutiendra les jeunes marques éco-responsables.

Publié par

Coline Blaise

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